C’est décidé, cette année, je me lance dans le challenge des 40 pièces (40 pieces challenge en anglais), avec mes élèves. Il s’agit d’un défi, qui consiste à jouer faire jouer à chaque élève 40 morceaux ou plus sur une année complète (vacances d’été comprises). Depuis qu’en 2001, Elissa Milne, une australienne, a proposé ce défi à ces élèves, les professeurs qui se lancent dans ce pari sont chaque année plus nombreux.

Mais pourquoi imposer une pareille aventure à mes élèves alors que nous arrivons à peine à monter environ 10 à 20 pièces par an ?

Ma principale motivation est qu’à ma connaissance, tous les professeurs qui ont lancé ce défi dans leurs classes d’instruments ne sont plus jamais revenus en arrière et témoignent du fait que tous leurs élèves jouent plus et mieux, et prennent d’avantage de plaisir qu’en se concentrant sur un nombre restreint de morceaux dans l’année. Il est vrai que j’ai moi-même souffert, lorsque j’étais organiste, du travail fastidieux de longs morceaux qui durait des mois (parfois toute l’année !), avec peu d’autres distractions pour varier les plaisirs. Cependant il ne faut pas s’imaginer qu’avec ce challenge, l’élève ne pas plus jouer de grandes œuvres du répertoire, mais on varie le programme en ajoutant d’autres pièces plus simples et rapides à monter, sur lesquelles on peut profiter pour prendre de temps de travailler d’autres aspects de la musique ou de l’instrument (par exemple l’improvisation, la transposition, un aspect technique difficile à aborder dans un morceau trop complexe…). Il ne s’agit donc pas de bâcler un maximum de pièces, mais bien d’améliorer tous les aspects du jeu dans un répertoire très varié, tant au niveau du style que des niveaux de difficultés abordés.

Les critères de validation d’un morceau

Définissons d’abord ce qu’est un morceau. Il s’agit, comme le dit Dorothée Hurel, d’un moment musical qui comporte un début, un milieu et une fin. Il ne s’agit pas de cisailler une pièce longue en pièces plus petites. Si une sonate ou un concerto est en plusieurs mouvements, on peut éventuellement considérer que chaque mouvement est un morceau à lui tout seul.

D’où l’importance de se constituer un répertoire de pièces de niveaux et de longueurs variées. Les pièces courtes sont autant de bouffées d’air frais pour les élèves qui apprennent rapidement à évaluer le temps qu’il leur faudra pour jouer tel ou tel morceau. Elles permettent également de détailler certains aspects difficiles à faire dans un morceau de niveau élevé (ex : travailler la sonorité ou le toucher dans un morceau lent)

D’autre part, on ne se cantonnera pas aux morceaux « classiques » déjà tout écrits. On peut varier en validant des improvisations, des compositions, des transpositions, des exercices techniques… La variété des morceaux peut également résider dans l’instrumentation : solos, duos, trios, pièces d’orchestre, etc.

Ainsi chaque semaine, l’élève peut par exemple travailler simultanément trois morceaux faciles, deux intermédiaires et un difficile.

Une fois le répertoire constitué, chaque moment musical est validé s’il comporte les 4 éléments suivants :

• les bonnes notes,
• les bons rythmes,
• la régularité du tempo,
• au moins un élément de musicalité ou un aspect technique qui peut être au choix de l’élève, mais qui ne doit pas être le même tout le temps. Il doit être facilement observable par l’auditeur. Cela peut être par exemple des nuances, un passage rubato, un ralenti, un mode de jeu particulier, un doigté spécifique…

La validation d’un morceau peut se faire soit en cours, soit en vidéo. La réalisation d’une vidéo par l’élève à la maison l’oblige à une certaine autonomie dans sa pratique à la maison et fait également gagner du temps en cours d’instrument.

Objectifs

Ils sont multiples :

• faciliter la réussite et donc le plaisir de jouer (enclencher le cercle vertueux réussite > plaisir > réussite…)
• favoriser l’autonomie,
• améliorer le niveau en déchiffrage, en transposition, en technique…,
• balayer un répertoire varié couvrant toutes les périodes historiques et tous les styles,
• développer son esprit critique,
• diversifier, en évitant le rabâchage d’un même morceau pendant des mois (ne pas rester bloqué·e sur une pièce pendant trop longtemps),
• motiver l’élève en lui donnant un objectif clair (atteindre un certain nombre de morceaux dans l’année)
• donner envie aux élèves de passer plus de temps avec leur instrument,
• pour l’élève et ses parents, avoir un indice concret de la progression…

Suivi et récompenses

Un document permet de suivre le nombre de morceaux validés, ainsi élève et professeur peuvent savoir où ils en sont. Voici un exemple de tableau de suivi à imprimer :

Chaque dizaine de morceaux validés peut faire l’objet d’une récompense (diplôme, petit cadeau…). Ces récompenses peuvent être remises à l’occasion d’une prestation publique. Je ne sais pas, pour ma part, quelle forme cela prendra (sans doute la remise d’un certificat au moment de l’examen de fin d’année) et, comme je le dis également dans l’article sur le tag teach, je suis peu favorable, pour différentes raisons, aux récompenses externes de type petits cadeaux. Mais je suis certaine que le fait d’atteindre 10, puis 20, 30, 40 morceaux (ou plus) sera déjà une grande fierté pour chaque élève !

On trouve par exemple des modèles de « diplômes » ou de certificat (en anglais et pour le piano) sur ce site. Je vous en propose un en français (tous instruments) à imprimer :

Variantes

La « médaille des 100 » est une autre variante du challenge. Elle consiste à célébrer la validation de 100 morceaux, sans contrainte de temps.

D’autre part, si Elissa Milne a décidé de choisir 40 pièces, c’est parce que l’année scolaire en Australie comporte 40 semaines. En France, dans les écoles de musique et conservatoire, on est plutôt autour de 30 à 35 cours par an. C’est pourquoi certains professeurs proposent un challenge des 30 pièces (ou même 20). C’est peut-être une idée pour les professeurs qui, se lançant dans ce challenge pour la 1ère fois, pourraient craindre que leurs élèves ne parviennent pas au bout de 40 pièces, bien que cette idée soit souvent balayée par les professeurs qui ont plusieurs années d’expériences et qui témoignent du fait que pratiquement tous les élèves y parviennent.

Et le prof dans tout ça ?

Certains professeurs n’hésitent pas à se lancer dans le challenge en même temps que leurs élèves, par exemple en montant un répertoire de sonates. Dans mon cas, bien que professeure de flûte, je me lance moi aussi dans le 40 challenge, mais à la harpe celtique que je pratique en amateure. Une bonne façon d’être dans le même bateau que mes élèves. Souhaitez-nous bon voyage et, à l’occasion, venez ici nous raconter vos propres odyssées !

Un immense merci à Dorothée Hurel (professeure de piano, formatrice 40 piece challenge et MéthoDora, et en cours de validation pour devenir formatrice en TAGTeach) qui m’a fait découvrir le 40 pieces challenge et qui partage ses découvertes avec passion. Je ne peux que vous recommander de suivre une formation en ligne ou en présentiel avec elle ! Pour la contacter, c’est par ici.

Par ailleurs, si vous vous lancez, je vous invite à rejoindre les groupes facebook qui y sont consacrés :

• Groupe Pédagogie Positive-Musique-Piano-Challenge des 40-TAGTeach-Martenot-etc.. (groupe constitué principalement de professeurs qui échangent autour de questions pédagogiques)
• Groupe Challenge 40 morceaux (groupe constitué de professeurs et de musiciens amateurs qui font le challenge)