Pour ceux qui n’auraient pas lu le premier article de cette série, je replante le décor : Grand Loustic (7 ans) et Petit Loustic (4 ans) ont débuté l’apprentissage respectivement du piano et du violon il y a 3 mois. Ne croyez pas que ce soit plus facile pour moi parce que je suis professeur de musique : je suis avant tout leur maman et ce n’est pas évident de mettre en pratique ce que je conseille par ailleurs aux parents d’élèves dans les écoles de musique où j’enseigne…

Grand Loustic et son piano

On peut dire qu’il nous aura épaté ce grand loustic ! S’il avait l’air plutôt tiède lorsqu’il nous a demandé de débuter le piano, à présent l’instrument semble faire partie de son quotidien. À notre grand étonnement, il en joue spontanément sans qu’on aie besoin de le lui demander. Il passe beaucoup de temps à improviser et à rejouer d’oreille des chansons qu’il connaît. Comme le piano est dans le salon, on peut facilement lui proposer de se redresser ou de mettre les mains bien arrondies tout en vaquant à nos occupations. Cela ne nous empêche pas son père et moi de prévoir régulièrement des séances où nous lui consacrons toute notre attention pour l’aider à avancer sur ce que son professeur de piano lui demande spécifiquement pour la semaine suivante.

Cette vidéo présente une de nos séances de piano. Vous y verrez quelques-uns des jeux et improvisations que nous pratiquons régulièrement à la maison en dehors de son cours de piano hebdomadaire. J’espère que cela vous donnera quelques idées de jeux à pratiquer vous-même avec votre enfant à la maison, que ce soit au piano ou avec un autre instrument. Cette vidéo est aussi l’occasion pour moi de présenter une alternative à l’hypermédiatisation des prodiges et virtuoses toujours plus jeunes et plus époustouflants d’année en année. Cette survalorisation, si elle peut nous donner des exemples de dépassement de soi, cache malheureusement l’immense forêt de des autres enfants, qui suivent des parcours plus modestes et peuvent se trouver face à des adultes trop exigeants quant à leur vitesse de progression. Cela est navrant, d’autant qu’une éducation musicale raisonnée et raisonnable contribue grandement à l’épanouissement de nos chères têtes blondes, brunes, rousses etc.

 

Récapitulatif des jeux proposés :

• Chanter des chansons connues de l’enfant
• Jouer ces chansons sur l’instrument « à l’oreille » (cela peut être plus ou moins difficile suivant les instruments. C’est particulièrement facile au clavier car on peut produire toutes les notes dès le début. Ce sera plus difficile avec un instrument à vent, par exemple)
• Jouer dans différents caractères en utilisant l’imaginaire et les propositions de l’enfant (ex : jouer comme une petite souris puis comme un géant)
• Retrouver l’emplacement des notes sur le clavier (ou tout autre instrument)
• Jeu de devinettes : le parent chante une mélodie que l’enfant doit retrouver (à adapter suivant les notes que l’enfant peut produire). Lui proposer de rechanter avant de jouer si c’est trop difficile.
• Chanter les morceaux avant de les jouer, si possible en disant le nom des notes et en battant la pulsation avec les mains.
• Improvisation avec une consigne simple (exemples : jouer uniquement sur les touches noires, ou imiter la pluie). C’est plus facile si vous avez déjà fait de la musique vous-même, mais si ce n’est pas le cas, vous pouvez par exemple lui proposer de mettre une histoire (que vous lisez) en musique.
• Les morceaux proposés se jouent dès le début avec les 2 mains et en lisant dans les 2 clés (la méthode utilisée dans cette vidéo est la Méthode de piano débutants de Charles Hervé et Jacqueline Pouillard, aux éditions Lemoine)

Petit Loustic et son violon

Si nous avons longuement hésité avant d’inscrire notre enfant de 4 ans en cours de violon, après plusieurs mois de demandes insistantes de sa part, nous avons vite été rassurés par le déroulement des cours. En effet, son professeur aborde l’instrument avec la méthode Suzuki, une méthode particulièrement adaptée aux tout-petits et qui part du postulat qu’on peut apprendre la musique comme on apprend une langue maternelle, par une imprégnation au quotidien. Je consacrerai bientôt un article à ce sujet, c’est pourquoi je n’entrerai pas dans le détail aujourd’hui.

Voici cependant quelques éléments abordés durant ces 3 mois :

• Il y a beaucoup de chansons à apprendre et à rechanter régulièrement avec l’enfant. Ce sont en fait les premiers morceaux que l’enfant apprendra à l’instrument et il est donc important qu’il les connaisse d’oreille. On peut saupoudrer ces chansons à différents moments de la journée. On peut les gestuer, les rythmer avec son corps, etc.
• On propose à l’enfant un grand nombre de jeux pour améliorer son équilibre et préparer la tenue du violon.
• Les doigts sont particulièrement sollicités. De nombreux jeux sont proposés pour les muscler, développer l’autonomie de chaque doigt, la coordination et la motricité fine. Formulé ainsi, cela peut paraître un peu abstrait. Pour vous donner un exemple, il y a des jeux à réaliser avec un petit anneau qu’on fait rouler entre deux doigts, puis qu’on fait passer de doigt en doigt, etc.
• Des jeux comme celui du miroir préparent l’enfant au fait d’être attentif à un meneur, l’aident à rester concentré, mais aussi à se tenir en équilibre, à améliorer la latéralité (faire les gestes du bon côté…)
• Quand l’enfant imite de manière satisfaisante, la tenue du violon et de l’archet est abordée de manière progressive (et toujours en passant par le jeu).
• L’enfant est aussi amené à reproduire une série de rythmes qui sont facilement appris en s’amusant. Ces premiers rythmes sont ensuite joués sur une seule corde quand la tenue du violon est satisfaisante.

Cette progression peut-être perçue comme frustrante vu de l’extérieur : concrètement, Petit Loustic ne joue pas encore de morceau complet au violon. Mais la musique et le jeu sont omniprésents et je peux témoigner qu’il ne s’ennuie pas pendant les cours. Et bien entendu, la progression d’un enfant de 4 ans n’est pas la même que celle d’un enfant plus âgé.

Comme vous pouvez le voir, l’apprentissage d’un instrument par un tout-petit nécessite beaucoup de patience, mais c’est aussi beaucoup de bons moments partagés avec son enfant, puisque tout passe par le jeu (du moins dans la méthode Suzuki).

Quelques constats pour conclure ce bilan

• C’est beaucoup plus facile d’avancer en s’amusant ! Le plaisir est le meilleur des moteurs.
• On peut improviser dès le début de l’apprentissage et dans cette pratique, il ne peut y avoir de « fausse note »
• Les erreurs sont FON-DA-MEN-TALES : c’est bien simple, on ne peut tout simplement pas progresser sans tâtonner !