De Tokyo à Montreal, en passant par la Guadeloupe, ils sont des milliers à jouer chaque année un répertoire commun qui, depuis les années 50 au Japon, réunit parents et enfants autour d’une méthode bien différente des méthodes « conventionnelles » d’apprentissage de la musique : la méthode Suzuki. De même qu’un enfant apprend à parler par imitation bien avant d’apprendre à lire, le Docteur Shini’chi Suzuki avait observé que les jeunes enfants avaient tous, naturellement, des dispositions pour apprendre la musique par imitation, sans partition, du moins au début de l’apprentissage. Son approche, originale pour l’époque, a fait des émules dans le monde entier, et ce sont à présent des centaines d’écoles et d’instituts qui utilisent cette pédagogie. Qu’on ne s’y trompe pas : pour les centaines de pédagogues utilisant la méthode Suzuki de par le monde, il ne s’agit pas de former de petits « singes savants » qui ne sauraient qu’imiter, mais de vivre la musique dès le plus jeune âge, en famille, et en mettant la joie d’apprendre au cœur de cette expérience.
Cette méthode a notamment été illustrée par le film La musique de mon cœur, que je ne peux que vous encourager à aller voir si vous vous intéressez à cette approche. Ce film est inspiré de l’histoire de Roberta Guaspari, une professeure de violon (interprêtée par Meryl Streep) qui a été à l’origine d’un programme d’enseignement du violon pour les enfants de Harlem, basé sur la méthode Suzuki.
De nombreux musiciens aujourd’hui célèbres ont débuté avec cette méthode. C’est le cas par exemple de Joshua Bell, Hilary Hahn, Edgar Moreau…
Dans le court reportage ci-dessous, je vous invite à partir à la rencontre d’enfants, de professeurs et de parents qui utilisent cette approche au quotidien pour apprendre la musique comme on apprend une langue maternelle. Vous constaterez que j’ai interviewé uniquement des violonistes, mais la méthode est également utilisée pour tout autre instrument de musique (il existe même des écoles maternelles ayant adapté cette pédagogie à tous les apprentissages scolaires, mais ceci est une autre histoire…)
Je vous invite à activer les sous-titres de la vidéo.
Quelques bonnes adresses :
Sur le site de l’Association Française pour la Pédagogie Suzuki, vous pourrez trouver un professeur formé à cette méthode en France.
Paola Baracco, que vous voyez dans le reportage, enseigne actuellement dans le sud de la France, à :
- l’association Graines de Musiciens (Montpellier)
- l’Ecole de Musique de Clapiers
- l’Ecole de Musique de Mauguio
Pour trouver un professeur (ou une formation de professeur) en Europe, il y a l’Association Suzuki Bruxelles, le Talent Education Suzuki Institute Belgium (TESIB), l’Institut Suzuki en Suisse, et bien entendu l’European Suzuki Association (ESA).
Pour trouver une adresse au Québec ou aux USA, je vous invite à consulter le site de la Suzuki Association of the Americas.
Et oui, vous l’aurez remarqué, ILS SONT PARTOUT ! 😉
Transcription de la vidéo
Paola Baracco
« La méthode Suzuki est née au Japon. Elle a été conçue par Monsieur Shinichi Suzuki. Quand on regarde les enfants qui jouent de la musique, qui jouent d’un instrument, on peut penser que ce sont des enfants qui ont du talent, qui sont doués, qui sont en train de faire une chose difficile, et on peut penser que nos enfants à nous sont peut-être doués pour des choses un peu plus « normales » : avoir une prédisposition pour un sport, pour l’ordinateur, être très bien à l’école, mais des fois on a du mal à les voir dans un apprentissage musical, les voir avec un instrument dans les mains. Et c’est à ce moment-là qu’on se trompe, du moins on risque de se tromper, parce qu’on imagine qu’il faut avoir du génie pour jouer de la musique, et ce n’est pas tout à fait ça.
Cette sensibilité vers la musique n’est donc pas réservée qu’à certains enfants qui peuvent être particulièrement doués, mais on la retrouve une prédisposition commune, chez tous les enfants, qui ont la capacité d’apprendre une langue. Et c’est sur ça que Monsieur Suzuki a basé toute sa pédagogie. Les enfants, tous les enfants, en apprenant une langue, imitent leurs parents. Donc dans les deux premières années, ils cumulent une quantité de vocabulaire, de mots, incroyable : on est entre 2000 et 3000 mots, et c’est sur l’imitation de ce qu’ils écoutent, de ce qu’ils entendent de leurs parents. C’est comme ça depuis des millions d’années, c’est comme ça pour tous les enfants de tous les pays, dans tout le monde. Et Suzuki s’est basé sur ça pour créer sa méthode. Donc on se base sur l’imitation, on utilise les mêmes mécanismes cérébraux pour apprendre une langue. Ça, on le transpose à la musique, à l’apprentissage d’un instrument musical.
Cette pédagogie engage directement le parent dans l’apprentissage de la musique. Donc on a, ce qu’on appelle un triangle éducatif entre le professeur, le parent et l’enfant. Et le parent utilise les mêmes stratégies, on peut dire, que pour apprendre à son enfant à parler une langue, et à apprendre un vocabulaire de mots.
Par rapport à d’autres activités où le parent a un rôle d’accompagnateur, dans la méthode Suzuki, dans cette pédagogie, le parent a un rôle actif, il est vraiment engagé dans l’apprentissage et il aide son enfant avec beaucoup de jeux, et en apprenant lui-même pendant les leçons, pendant les cours. »
Question à un parent d’élève
M&V : Qu’est-ce que la méthode Suzuki apporte dans votre famille ?
La maman de Julia : « C’est le partage, parce que dans la méthode Suzuki, les parents s’impliquent beaucoup aussi avec les enfants. C’est-à-dire que les parents et les enfants travaillent ensemble. Donc moi ce qui me plaît avant tout, c’est le partage. Et le deuxième chose que ça apporte à Julia, c’est la musicalité. C’est-à-dire qu’avec la méthode Suzuki, on apprend pas par les notes, mais par l’oreille. On écoute et on chante les notes, on les joue, sans regarder les notes. Ça c’est ce qui m’attire beaucoup et je ne savais pas que ça existait. Et comme on m’a dit qu’à partir de 4 ans on pouvait jouer le violon, j’étais très contente de trouver cette méthode Suzuki. Finalement ça y est, on peut enfin jouer sans trop regarder les notes. Et moi je crois que les notes, ça viendra après, plus tard, quand l’enfant est plus grand. C’est ça que la méthode Suzuki m’apporte. »
Parola Baracco : Les enfants peuvent donc commencer très tôt les cours, qu’on peut appeler d’éveil, à partir de 3-4 ans. Et ce sont des cours où les enfants apprennent de petites chansons. Par le biais d’un cours par semaine, les élèves commencent à développer leur oreille musicale et aussi une certaine dextérité avec les mains, qui leur permettra de s’approcher du véritable instrument l’année suivante.
Une fois que l’enfant a choisi son instrument, les cours se font de façon à ce que le parent puisse aider l’enfant à travailler à la maison. On a un système de gommettes très simple qui permet au parent d’aider son enfant et ils vont travailler à travers la répétition d’un petit fragment musical et à travers l’écoute d’un CD où il y a tout le répertoire. Faisant ainsi, on va un peu renouveler la relation exclusive qu’il y a entre le professeur et l’élève et la musique pourra entrer à faire partie intégrante de la vie de famille. Donc il y aura toute la famille, en gros, qui participe à ce jeu de l’apprentissage d’un instrument.
Le point de vue d’un jeune élève
« J’aime beaucoup faire du violon et aussi faire du chant, chanter des chansons. Et on fait beaucoup l’escargot [jeu de mains destiné à apprendre la tenue de l’archet], et aussi ce que j’aime, c’est faire avec l’archet. C’est très amusant »
Paola Baracco : « Le parcours en pédagogie Suzuki, c’est aussi un parcours qui offre une possibilité de développement émotionnel pour l’enfant, surtout au sein de toutes les rencontres qu’on peut faire avec les autres enfants qu’on connaît, dans la même école, mais aussi dans des écoles ou même des pays différents, vu que la méthode est développée dans le monde entier et qu’on joue tous le même répertoire. »
Recherches utilisées pour trouver cet article :https://la-musique-et-vous com/methode-suzuki/, methode suzuki
Passionnée de pédagogie musicale, je partage avec vous dans ce blog mes connaissances et expériences acquises au cours de mes activités de professeur de flûte, directrice d’école de musique, musicothérapeute et maman de deux loustics musiciens.
fafamifasol
Mes filles (violon et violoncelle) ont commencé à 6 ans avec des enseignants formés à cette méthode; je suis prof de FM et d’éveil musical. J’ai assisté aux cours et c’est vrai qu’en tant que parent, c’est bien de pouvoir suivre son enfant. Les collègues ne sont guère intervenus concernant le lien avec la lecture, je pense que c’est parce qu’ils savent que je fonctionne en accord avec leur manière de voir la lecture (chantée et par relativité).
Je pense aussi que les 2 collègues et les profs d’éveil musical devraient travailler plus en commun dans le conservatoire où je suis.
Céline Dulac
C’est un beau cadeau que nous font les profs Suzuki de pouvoir participer activement à l’apprentissage de leur enfant. En tant que prof et parent d’élève à la fois, c’est très enrichissant aussi. Ce fut une découverte pour moi, qui suis pourtant sensibilisée à d’autres approches actives.
LMC
Ce type de méthode d’apprentissage est tout à fait « dans l’air du temps » et je pense qu’elle est vouée à séduire de plus en plus de famille ! Il ne manque plus pour cela que de la faire connaître.